Courrier adressé au directeur

des Caisses du Vaucluse.

 

Nous avons été informés du projet de "filière 84" et en avons pu lire le projet. Si vous n'avez pas daigné nous consulter et nous faire participer à ce projet, nous nous permettons de vous faire part de nos réflexions et de notre position sur cette éventuelle filière 84.

Nous devons aborder cette question en tant que médecin et depuis notre pratique psychiatrique française. Le fondement même de l'éthique de notre pratique s'appuyant sur la relation patient/médecin à l'intérieur d'un cadre nécessitant confidentialité et confiance, la consultation et le traitement psychiatrique prennent leur source dans la demande du patient. La nécessité de confidentialité et de discrétion font que cette demande s'adresse la plupart du temps directement au psychiatre puisqu'il est difficile, voire impossible le plus souvent, aux patients de parler de leur souffrance psychique et de demander une consultation psychiatrique à leur médecin de famille dont ils se sentent trop proches ou trop éloignés pour qu'il y ait neutralité permettant de mettre à l'écart la honte liée aux difficultés psychiques et d'établir le cadre d'une relation thérapeutique.

Si pour de rares patients la transition par leur médecin de famille n'était pas un obstacle à la mise en place à posteriori de l'instauration d'une relation thérapeutique avec le psychiatre, le caractère obligatoire de ce passage annoncé dans ces filières est une entrave à l'établissement de cette relation : celle-ci, s'originant dans la demande du patient, ne peut se construire dans l'injonction ou dans une démarche constituée d'obligations.

Le mode de fonctionnement des filières, à fortiori par capitation va donc priver une grande partie de la population de soins psychiatriques dont la nécessité augmente du fait de difficultés socio-économiques actuelles.

Par ailleurs, au niveau de l'ensemble de la médecine, ce système de filière, comme cela a pu être expérimenté dans d'autres pays, conduit à une médecine à deux vitesses, les plus riches pouvant consulter les médecins de leurs choix en fonction de leurs compétences spécifiques et de la confiance qu'ils leurs accordent permettant de réduire l'effet nocebo. Enfin le principe de la filière est contraire au code d'éthique et de déontologie médicale qui spécifie que l'exercice de la médecine est personnel et donc que chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes et que toute dichotomie ou reversement d'honoraires, toute sous traitance induite par le principe de filières, sont en contradiction avec l'éthique et la déontologie médicales.

Aussi, après avoir pris connaissance du projet de filière 84, les, sous signés, représentant les psychiatres du Vaucluse, affirmons refuser de rentrer dans un système de filière pour des raisons d'éthique médicale et parce que ce système ne s'accorde pas de la spécificité de la psychiatrie.


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