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Mars 1999 Madame le Ministre, Monsieur le Secrétaire d’État, Je vous remercie de votre lettre car elle m’a procuré un heureux étonnement lorsque vous parlez de votre croyance en un dialogue riche, nourri et constructif avec les médecins. Jusqu’à présent je n’en avais pas eu conscience. Cela m’a motivé à vous écrire puisque vous m’y invitez et je vais donc vous faire part de mes réflexions sur toutes les idées de projets concernant la Santé et la Sécurité Sociale. Il me faut aborder ce domaine en tant que médecin et depuis ma pratique clinique. La dimension éthique fonde la relation patient /médecin à l’intérieur d’un cadre nécessitant confidentialité et confiance. La consultation et la prise en charge médicale prennent leur source dans la demande du patient. Le caractère indispensable de la confidentialité et de la discrétion explique que cette demande se fasse dans un cadre garantissant le secret et s’adresse le plus souvent directement au médecin choisi par le patient, hors du cadre familial.
En effet, si la relation du patient avec un médecin de famille
est riche humainement et permet de diminuer le risque d’errance médicale,
il est difficile, voir impossible, aux patients de parler de leur souffrance
avec sa composante psychique pour demander une consultation psychiatrique
à leur médecin de famille dont ils peuvent se sentir trop proches ou
trop éloignés pour que la demande puisse déployer son contenu. Le caractère
obligatoire de la transition par le médecin référent est une entrave
à l’établissement d’une relation thérapeutique qui s’origine dans la
demande du patient : la prise en charge médicale clinique et à
fortiori psychiatrique est antinomique avec une autorisation systématique
et préalable quelle qu’elle soit. Le mode de fonctionnement par médecin
référent va donc priver une grande partie de la population de soins,
dont la nécessité s’affirme de plus en plus.
Par ailleurs, ce système de médecins référents, comme cela a
pu être expérimenté dans d’autres pays, conduit à une médecine inégalitaire
à deux vitesses.
Le principe de médecins référents est contraire à l’éthique médicale
et à son code de déontologie qui spécifie à l’article 69 que l’exercice
de la médecine est personnel, et donc que chaque médecin est responsable
de ses actes et décisions.
Libre choix du patient
et donc accès direct à tout médecin spécialiste ou non, secret médical
(non garanti par la télétransmission malgré les affirmations officielles :
qu’on pense au nombre de visiteurs dans les fichiers du Pentagone )
sont deux principes intangibles. Avancer dans un dialogue constructif
suppose la réaffirmation de ces deux principes, au préalable, par tous
les interlocuteurs.
Il existe aussi des points inacceptables. Ainsi nous refusons une maîtrise
purement comptable : la priorité doit être donnée à la recherche
de la qualité des soins et l’inventaire des besoins réels. Il faut respecter
l’Homme et ne pas inverser les valeurs : l’économie doit être au
service de l’Homme et non l’inverse l’Homme au service de l’économie.
Enfin nous refusons certaines
procédures de contrôle et de sanctions dès lors qu’elles sont sans appel
comme le sont les C.M.R.
Recevez, Madame le
ministre, mes hommages respectueux, et Monsieur le Secrétaire d’État
l’expression de ma considération distinguée. |