14 Janvier 2003


fax au ministre 


 

Monsieur le Professeur Jean-François Mattei
Ministre de la Santé, de la Famille 
et des Personnes Handicapées
Fax n° 01.40.56.41.55

Monsieur Jean-Marie Spaeth
Président de la C.N.A.M. – T.S.
Fax n° 01.42.79.32.99


Monsieur le Ministre et Cher Confrère,
Monsieur le Président de la CNAM-TS,

En faisant le choix de m’installer comme psychiatre libéral, après de longues années de formation auprès des malades mentaux, j’avais l’ambition de m’inscrire résolument dans le vaste mouvement d’ouverture qui, depuis les années 1960, fédérait tous les courants de la psychiatrie française et visait à la restauration de la dignité de ces patients dans la société.
Mettre mes compétences au service de patients enfin libérés de l’emprise asilaire, les aider à se réinsérer dans la cité, les aider à s’équilibrer dans le rapport chaque fois singulier, mais toujours ineffablement douloureux, que chacun d’entre eux entretient avec sa pathologie, paraissait une tâche enthousiasmante pour le jeune psychiatre que j’étais à l’époque. 
Au fil de cette pratique, j’ai également pu me rendre compte que mes compétences pouvaient être utiles à nombre de mes concitoyens présentant des états de souffrances psychologiques souvent insupportables. Afin de mieux prendre en charge ces patients, j’ai pris sur mon temps et mon argent afin de me former à la psychothérapie qui n’était évidemment à l’époque pas davantage enseignée à l’Université qu’elle ne l’est maintenant. 
Si long et coûteux, tant sur le plan personnel que financier, qu’ait pu être cet effort de formation, je ne l’ai jamais regretté. Il m’a été mille fois payé en constatant que mes patients renouaient progressivement le fil de leur vie alors qu’ils pensaient que ce dernier était définitivement rompu. Dans la plupart des cas, ces améliorations cliniques ont d’ailleurs pu être obtenues sans recourir à la prescription de médicaments psychotropes. 
Certes, mes aînés m’avaient prévenu qu’un psychiatre libéral, s’il veut correctement soigner ses patients, ne peut guère espérer mieux que gagner honnêtement sa vie. Les revenus des psychiatres libéraux ont notoirement toujours été les plus bas de tous les métiers médicaux, alors que l’effort de formation continue nécessaire au maintien de leurs compétences professionnelles a toujours été considérable, en temps comme en argent. Je ne me faisais donc aucune illusion sur ce sujet. 
Depuis quelques années, les choses prennent un autre cours. Comme tous mes collègues, je suis submergé de demandes de soins auxquelles je ne puis plus faire face et que je suis obligé de refuser sous peine de mettre en péril la qualité des soins des patients dont je m’occupe déjà. 
J’observe également que les pathologies sont de plus en plus lourdes, avec, notamment, l’explosion de ce que nous appelons de « nouvelles pathologies » qui font des ravages parmi les jeunes. 
Les besoins sont criants et vont sans cesse en augmentant. Pourtant, les pouvoirs publics sont résolus à diminuer de manière drastique le nombre de psychiatres en exercice. Je lis également ici où là, dans des compte rendus de rapports officiels, que les psychiatres libéraux ne dispenseraient que des soins sans véritable utilité, et qu’ils seraient vraisemblablement parfaitement remplacés par des psychologues ou des généralistes. 
Bref, mes études de médecine, ma spécialisation en psychiatrie, ma formation à la psychothérapie n’auraient aucun intérêt pour le corps social …
J’avais peine à croire au bien fondé de ces discours jusqu’à l’annonce récente des propositions de revalorisation des honoraires des psychiatres. 
L’insignifiance de la somme annoncée, un euro, après huit années de blocage des honoraires et une charge de travail croissante, épuisante – comme vous-même, Monsieur le Ministre, l’avez publiquement reconnu (France 2, 10 décembre 2002 à 7h50) – achève de me convaincre du peu de cas que vous faites de mon travail.
Après de longues années au service des patients, dans le cadre d’un exercice toujours difficile, et parfois dangereux, je suis révolté. 
Au-delà de cette question d’honoraires, je réalise à quel point ce sont les malades eux - mêmes que vous méprisez en préférant pour eux des professionnels moins qualifiés.
Monsieur le Ministre, Monsieur le Président de la CNAMTS, gardez cet euro.
Devant une telle défaillance des responsables politiques, c’est désormais à l’ensemble du corps social que je m’adresserai, avec l’ensemble de mes collègues, pour lui demander quelle place il entend réserver aux plus faibles.


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