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COORDINATION DES PSYCHIATRES DU 69


 


Docteur Eric SAÏER 
PSYCHIATRE 
Président du Groupement 
des Psychiatres Libéraux Rhône-alpes 

Lyon, le 27 février 2003
Cher Confrère,

L'association que je préside est plus connue pour ses actions de formation médicale continue que pour ses prises de position concernant la pratique de notre métier.

Cependant le préaccord, signé le 10 janvier entre certains syndicats représentatifs et nos organismes de tutelle, est une véritable injure à notre métier de psychiatre, montrant la profonde méconnaissance de tous les partis en présence sur ce que nous sommes, ce que nous faisons et ce que nous voulons. 

Ce constat lamentable (augmentation d'un euro pour le CNPSY) nous incite massivement à sortir de notre réserve. 

Le 13 février 2003, le GPLR a organisé une réunion-débat autour de la convention en cours de négociation. Les quarante psychiatres présents étaient choqués et révoltés par le mépris dont nos patients et nous-même serions victimes si une telle convention était signée.

Devant l'incapacité des politiques, des caisses et des syndicats à mettre en place un système satisfaisant pour les patients, pour les médecins et pour les gestionnaires, nous sommes en devoir de repenser le système de soins et de faire des propositions concrètes tenant compte des intérêts de chacun. Nous devons aller plus loin qu'une simple revendication corporatiste et être une vraie force de propositions constructives.

La charte que je soumets à votre approbation ou à vos critiques va dans ce sens.

La première résolution de cette charte concerne la valeur du CNPSY.

Il ne s'agit pas d'obtenir une simple revalorisation tarifaire. Même si nous obtenions aujourd'hui un CNPSY à 50 euros, nous nous retrouverions dans quelques années dans la même situation qu'aujourd'hui avec, de plus, une convention signée individuellement, qui nous contraindrait beaucoup plus que la convention minimale actuelle et nous empêcherait d'avoir l'action de masse que nous pouvons mener aujourd'hui.

Un certain nombre de truismes sont à rappeler :

- Le CNPSY est un acte de consultation médicale réalisé par un médecin qui a validé ses études de médecine générale et qui pourrait, à ce titre, s'installer comme médecin généraliste s'il le désirait.
- Le CNPSY est une consultation médicale réalisée par un médecin spécialiste ayant validé quatre ans d'études après ses études de médecine générale.
- Le CNPSY est un acte intellectuel complexe qui demande plus de temps qu'une consultation standard de médecine générale ou qu'une consultation standard de médecin spécialiste somaticien.


Il existe ensuite des références à connaître :

- la durée moyenne de la consultation du généraliste s'établit entre 12 et 15 minutes.
- La durée moyenne de la consultation psychiatrique s'établit entre 27 et 32 minutes. 
- Historiquement le CNPSY, à sa création, valait trois fois la valeur de la consultation du généraliste et il est resté pendant très longtemps à 2,5 C (ce qui est réaliste, compte-tenu du temps passé et du niveau d'étude).

Il faut également rappeler quelque chose qui est évident pour nous, mais ne l'est pas forcément pour nos partenaires : le malade mental est un vrai malade qui ne saurait, en aucun cas, être soigné au rabais sous peine de ségrégation et d'humiliation.

Enfin, il est clairement établi que le soin psychiatrique est socialement rentable ; l'incurie ou des soins inappropriés ayant des conséquences catastrophiques sur plusieurs générations. 

Pour toutes ces raisons, nous devons obtenir la reconnaissance officielle du CNPSY à 2,5 fois la valeur de la consultation du généraliste.

CNPSY = 2,5 x C

Ceci est une revendication non négociable. Nous pouvons négocier sur le délai d'application, sur les contreparties conventionnelles : utilisation des génériques, limitation de la progression en nombre de consultations (ce ne devrait pas être trop difficile, malheureusement, au moins pour les dix ans à venir, compte-tenu de ce que le nombre de psychiatres en exercice diminue de 175 par an), télétransmission. 

L'obtention du CNPSY = 2,5 C serait une grande victoire pour la reconnaissance de la maladie psychique, pour la pérennisation de notre profession et pour la qualité des soins.

Six mille psychiatres libéraux ont un pouvoir limité pour se faire entendre. En liant notre évolution conventionnelle à celle des cent mille médecins généralistes en exercice, nous aurons la certitude de ne plus être les oubliés du système de soins. 

Cette réforme n'est pas d'un coût exorbitant ; elle représente guère plus de cinq pour cent de ce qui a été accordé à la médecine générale en juin 2002, alors que tout le monde sait que 50 % des consultations du généraliste ont une origine psychique, par toujours bien diagnostiquée et pas toujours bien prise en charge.

Cette réforme serait socialement rentable à terme, humainement satisfaisante et politiquement populaire (le psychiatre est devenu le dernier recours envisageable pour beaucoup de gens et nos concitoyens sont rassurés de savoir qu'il y a des psychiatres pour suivre des populations en difficulté).

La deuxième résolution de cette charte concerne les secteurs conventionnels

Là aussi, les discours et propositions manquent d'ambition, de volonté de réformer le système en profondeur en tenant compte de tous les aspects.

On nous parle :

- d'espace de liberté tarifaire : en fait très codifié et concernant une part infime de notre pratique.
- de secteur unique,
- d'ouverture du secteur II.

Il faut créer un nouveau secteur à honoraires libres, un secteur II bis ou deux modifié.


Le secteur I avec un CNSPY = 2,5 C est viable de façon durable. Dans ces conditions, on peut penser que 50 à 70 pour cent des psychiatres exerçant en secteur I actuellement resteraient en secteur I , même s'ils avaient la possibilité d'accéder à un secteur à honoraires libres nouvelle formule (le secteur I représente 70 % des psychiatres).

Le psychiatre généraliste ayant une clientèle tout venant, soucieux du service rendu à la population, et conscient de sa place pivot dans le réseau de soins, maintiendrait probablement son appartenance à un secteur I réhabilité. 

Pourquoi faut-il créer un nouveau secteur à honoraires libres en psychiatrie libérale ?

- parce qu'il y a un continuum entre la maladie mentale, la souffrance psychique et le questionnement existentiel qu'on ne peut ni ne doit réduire à un système binaire où tout serait pris en charge d'un côté et rien ne serait pris en charge de l'autre. La modulation des tarifs permet de favoriser un travail d'autonomisation et de responsabilisation de certains patients.

- parce que les nouvelles pratiques (en couple, en famille, en groupe, en thérapies cognitives ou en psychothérapies psychodynamiques) ne peuvent être réalisées dans le cadre d'une consultation standard. Elles représentent des orientations particulières, souhaitées par certains patients, et dont le surcoût ne peut être payé par l'assurance maladie.

Pourquoi ce nouveau secteur à honoraires libres ne peut pas être le secteur II actuel ?

Le secteur II repose sur des notions déontologiques vieilles de plus de trente ans : " le tact et la mesure " !

Notre société moderne reconnaît des droits aux utilisateurs : le droit de savoir et le droit de donner ou pas son consentement.

Les honoraires du nouveau secteur II devront être explicitement justifiés par le médecin et librement consentis par le patient.

Une instance de surveillance des bonnes pratiques doit être mise en place, réunissant membres du Conseil de l'Ordre, membres des unions professionnelles, membres de l'université, membres des syndicats et membres des associations de formation médicale continue. Mais la vraie révolution du système consiste à faire siéger dans cette instance des représentants des associations d'usagers, donnant un réel pouvoir au patient.

La plupart des secteurs II actuels n'ont rien à redouter d'une telle réforme, leur pratique respectant déjà cette déontologie moderne. Mais nous sommes tous au courant des quelques praticiens demandant 150 euros ou plus pour des consultations d'un quart d'heure, sans aucune justification en terme de qualité des soins. Cette réforme recrédibiliserait notre profession, rassurerait les patients et améliorerait la qualité des soins.

Le politique, en l'acceptant, ferait une très bonne opération puisqu'il aurait le soutien de toute la population et sortirait la tête haute de la situation inextricable où il se trouve.

Les caisses feraient des économies substantielles en ne payant plus la retraite des anciens secteur I devenus secteur II bis. 

Le nombre d'actes remboursés devrait décroître car ces nouveaux secteurs II devraient faire des actes cotés plus cher mais moindres en quantité.

Enfin, cette réforme mettrait fin à l'injustice actuelle. A diplôme égal, à formation égale et à pratiques identiques, il est totalement inadmissible que certains bénéficient d'une liberté tarifaire et d'autres pas. Cette réforme apaiserait le monde de la psychiatrie en rendant justice aux uns et en relégitimant les autres. 


Reste à savoir comment les psychiatres de base que nous sommes peuvent imposer cette vaste réforme aux syndicats qui nous représentent, puis aux caisses et aux politiques.

La troisième résolution de cette charte vise à rendre crédible notre action qui, pour être efficace, doit être massive et déterminée. Si nous sommes 20 % à signer cette charte, nous n'avons aucune chance. Si nous sommes 80 %, alors tous les espoirs sont permis. Il faut pour cela que les secteurs II comprennent que nous sommes tous sur le même bateau et qu'à plus ou moins court terme, le secteur II, sous sa forme actuelle, est destiné à disparaître.

Ce vote massif ne serait malgré tout pas suffisant s'il n'était appuyé d'un acte fort montrant notre résolution.

Si nous n'obtenons pas satisfaction sur les deux premiers points, nous sommes prêts à nous déconventionner plutôt que de se soumettre à une convention indigne pour nous et nos patients. Nous resterons médecins psychiatres, prescripteurs de médicaments et d'arrêts de travail, totalement libres de notre temps et de nos tarifs. Cette menace extrême, qui prend les patients en otage, serait insoutenable pour le gouvernement. Nos patients et leurs familles, c'est potentiellement dix millions de personnes dans la rue.

Le gouvernement actuel n'est pas prêt à prendre un tel risque. D'autant plus que toutes les affirmations politiques de notre ministre vont dans notre sens. Il lui faut juste le courage d'une vraie réforme. Aidons-le à franchir le pas.

Cette charte, diffusée dans un premier temps à tous les psychiatres libéraux de la Région Rhône-Alpes, servira de test national.

Plusieurs coordinations de psychiatres dans des départements hors de notre région, ont rédigé des chartes avec menace de déconventionnement s'ils n'obtenaient pas satisfaction. Leurs revendications portent essentiellement sur la revalorisation du CNPSY à 50 euros et sur la réouverture du secteur II. 

La charte que je vous propose sort de simples revendications corporatistes, tente de tenir compte de tous les partis en présence, ce qui devrait nous rendre beaucoup plus crédibles vis à vis de nos partenaires.

Merci à tous de remplir le questionnaire ; c'est le moment de dire la psychiatrie que vous voulez. 

J'espère que vous serez nombreux à signer et à renvoyer cette charte.

Nous avons besoin de vos réponses très rapidement. Nous devons dépouiller les résultats et être en mesure d'en faire le compte-rendu à Paris, le 15 mars, à l'Assemblée Générale du SPF, à la réunion de la coordination nationale des psychiatres et à la réunion de la coordination nationale des médecins spécialistes.

Je vous prie, Cher Confrère, de recevoir mes salutations dévouées à la cause que je pense commune. 


Eric SAÏER


PS. 

- Rejoignez les coordinations de psychiatres ou de spécialistes existant dans votre département et inscrivez-vous à la coordination nationale des psychiatres :

Conatpsy-subscribe@yahoogroupes.fr 

- Continuez à soutenir nos syndicats et à respecter leurs consignes (large utilisation du D.E., grève de la télétransmission, ...)


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