|
010303
|
|
|
Lettre
à
Madame Patricia Adam
Députée du Finistère
|
|
|
|
|
|
Docteur Conan Pierre
108 rue Jean Jaurès
29200 Brest
pierre.conan@free.fr |
|
à |
|
Madame Patricia Adam
Députée du Finistère |
|
|
|
Le 1/03/03 |
|
|
|
|
Madame la Députée,
Psychiatre libéral installé dans votre circonscription, je me permets d'attirer votre attention sur la situation de ma profession, à l'heure où des négociations viennent de redémarrer entre la CNAM et des centrales syndicales dites représentatives en vue de l'élaboration d'une nouvelle convention.
Les psychiatres libéraux ( 6000 en France) ont pris connaissance avec stupéfaction du préaccord signé le 10 janvier 2003, qui est le témoignage du mépris, du manque de considération, et de la méconnaissance dans laquelle est tenue notre profession.
Je voudrais tout d'abord vous faire saisir les particularités de la pratique psychiatrique. Spécialité purement clinique, la psychiatrie ne dispose pratiquement d'aucun acte technique et nous sommes confrontés en permanence, de la façon la plus directe, à la souffrance humaine dans ses formes les plus variées.
Il s'agit, 12 heures par jour pour la plupart d'entre nous, de recevoir la famille catastrophée d'un schizophrène échappant à toute prise en charge institutionnelle, d'enchaîner sur une séance de psychothérapie analytique d'un névrosé obsessionnel prisonnier de sa compulsion de répétition, d'écouter la plainte de l'hypochondriaque en évitant la médicalisation qu'il sollicite, de faire face aux défis sans cesse réinventés de l'hystérique, d'apporter une solution immédiate à cette femme dont le conjoint en accès maniaque vient de dilapider le modeste patrimoine, de trouver une place en hospitalisation d'urgence pour ce mélancolique dont la détermination suicidaire est totale (aucune place nulle part bien entendu puisque tant de lits ont été fermés), de poursuivre la prise en charge de cette femme dans la plus extrême solitude et pour laquelle le cabinet du psychiatre est le seul lieu où elle dit ressentir un peu d'écoute et d'humanité, de recevoir ce jeune homme terrassé par des crises d'angoisse et dont le médecin généraliste a perçu les limites d'une approche purement médicale, etc…, etc…
Les consultations durent le plus souvent 30 minutes, mais les premiers rendez-vous prennent bien plus de temps, de même que les situations complexes, de plus en plus fréquentes.
Depuis longtemps déjà nous sommes débordés par l'importance des besoins de la population, ne pouvant donner de rendez-vous qu'à 2 ou 3 mois, essayant néanmoins de faire le nécessaire pour recevoir les urgences.
Le soir, au cabinet ou au domicile, ce sont de longues heures de rédaction de courriers à nos correspondants, de documents médico-administratifs, de dossiers.
Pour ceux qui, comme moi, travaillent de plus dans une clinique privée, il faut également évoquer les semaines d'astreinte, non rémunérées bien entendu (une semaine sur quatre dans mon cas).
Ce préambule un peu personnel n'avait pour but que de vous faire rapidement saisir les particularités de l'exercice de la psychiatrie libérale, et la révolte de tous mes confrères psychiatres libéraux devant les sombres perspectives que révèlent le pré-accord du 10 janvier.
Nos honoraires (secteur 1) sont bloqués depuis 8 ans. La consultation de psychiatrie, jadis fixée à 2,5C, ne représente plus que 1,715C (34,30 euros). Cela témoigne de la dévalorisation dont notre spécialité est l'objet, permet de comprendre pourquoi les revenus des psychiatres sont au plus bas de l'échelle des revenus médicaux, et de saisir les difficultés de gestion de nos cabinets, car nos charges ne sont quant à elles soumises à aucun blocage et augmentent d'année en année.
Vous comprendrez que l'application de la consigne de nos syndicats d'appliquer largement le DE (jamais utilisé par les psychiatres auparavant) bien que nous mettant " hors la loi ", ait été non seulement un moyen d'action pour faire connaître notre situation mais aussi la seule façon de rendre viable notre exercice professionnel dans l'année écoulée.
A beaucoup d'égards, notre situation est la même que celle de nos confrères généralistes et spécialistes. C'est la raison pour laquelle les psychiatres libéraux du Finistère ont adhéré à la Coordination des Médecins du Finistère, en signant une charte commune et des lettres de non-conventionnement qui seraient adressées massivement à la CPAM du Finistère si une convention devait être signée sur les bases du pré-accord du 10 janvier.
Nous rappelons en particulier que :
- la permanence des soins doit être une mission de service publique, déléguée au corps médical, basée sur le volontariat, hors du champ conventionnel, largement incitative.
- la télétransmission des FSE doit être optionnelle, incitative, justement rémunérée et non pénalisante,
- la prise en charge conventionnelle des RCP ( Responsabilité Civile Professionnelle) n'a pas lieu d'être.
- la Formation Médicale Continue doit être indépendante, non conventionnelle, gérée par la profession.
En ce qui concerne la psychiatrie, nous avons constitué des coordinations régionales et nationales qui, au-delà des revendications communes à l'ensemble de la profession médicale :
- dénoncent la tentative de démanteler le CNPSY, exigent l'unicité de cotation de l'acte de consultation psychiatrique, et demandent sa fixation à 2,5C, soit 50 euros.
- attendent de la future convention la définition d'un véritable espace de liberté tarifaire, ou l'ouverture du secteur 2, ou un secteur unique à tarif modulable.
- récusent tout système qui pourrait aboutir à un tiers payant généralisé.
- expriment leur méfiance devant les AcBUS et leur totale opposition à une " organisation du système prenant appui sur les références et recommandations édictées par la communauté scientifique et validées par les agences compétentes ou sur des référentiels réglementaires ", ce qui est une approche technocratique de la santé incompatible avec la pratique psychiatrique.
Je vous sollicite, Madame la Députée pour interpeller le Ministre de la Santé sur ses choix en matière d'organisation de la santé mentale. N'existe t'il pas une volonté politique délibérée de destruction de la psychiatrie libérale ?
Je vous remercie par avance de l'attention que vous voudrez bien porter à une démarche catégorielle certes, mais également liée à des choix de société et à des choix politiques importants.
Je vous prie de croire, Madame la Députée, en l'expression de mes respectueuses salutations.
Docteur Pierre Conan
|
|
|
|