Docteur
Alain BONNET 03 Rue Friedland 56300 - PONTIVY |
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Représentant 56 de la Coordination des Psychiatres Libéraux de Bretagne |
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Mr le Directeur de la CPAM 35
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Monsieur le Directeur,
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J'ai été amené à prendre connaissance par les confrères du 35, du courrier que
vous leur aviez adressé afin d'être éclairé sur les raisons des dépassements
tarifaires que vous aviez constaté. A l'heure où certains tendent à rechercher l'affrontement au détriment d'un dialogue loyal profitable à tous, permettez moi de rendre hommage à l'attention que vous portez aux problèmes rencontrés et au souci de compréhension dont il est fait preuve afin de préserver l'avenir des relations conventionnelles. Sans vouloir interférer avec les réponses qui incombent en premier lieu aux confrères du 35, qu'il me soit permis de faire état de quelques réflexions/informations au regard de cette question, pour laquelle chacune des parties peut être tenté de prêter à l'autre, de manière erronée, des buts dommageables. Les psychiatres libéraux du 56, très majoritairement conventionalistes et secteur1-appartenants, confrontés aux mêmes difficultés que leurs confrères du 35, ont mes mêmes positions et soutiennent ceux-ci vis à vis de la question du dépassement tarifaire. Si cette question se pose avec une telle acuité, c'est que concilier aujourd'hui les trois axes : économique - déontologique - socio-professionnel - de la médecine spécialisée libérale est en passe de devenir ingérable, notamment en ce qui concerne la psychiatrie, spécialité dotée du plus bas niveau d'honoraires, par ailleurs spécialité purement clinique où la seule "technologie" utilisée est: le praticien lui-même... plus... du temps... A/PLAN ÉCONOMIQUE Deux secteurs sont conventionnés avec les Caisses mais le secteur 1 doit respecter les tarifs fixés par les Caisses alors que le secteur 2 permet des honoraires librement fixés par chaque praticien en son âme et conscience. En contre-partie, les caisses versent aux médecins conventionnés secteur 1 des honoraires différés destinés à compenser le manque à gagner lié au respect des tarifs opposables . Les Caisses prennent en charge une partie des cotisations sociales des secteurs 1 alors que ces cotisations restent à la charge complète des médecins en secteurs 2. L'appartenance à un secteur ou à un autre n'est liée en aucun cas à une formation, ou des capacités spéciales des secteurs 2 par rapport aux secteurs 1, ni à l'acquisition de matériel particulier. Nous tenons à préciser, qu'en aucune façon, les secteurs 1 ne sont opposés aux secteurs 2 ni aux médecins hospitaliers. C'est le système du secteur 1 qui est totalement injuste et ne fonctionne plus. Les médecins signataires avant 1990 devaient en contre-partie du respect des tarifs opposables : - Bénéficier de revalorisations régulières d'honoraires ; il n'en est rien depuis 8 ans pour la CS et 13 ans pour les actes techniques, sans parler des baisses de cotation liées aux lettres clefs flottantes ( valeur variable selon le volume des actes ). Le CnPsy est soumis aux mêmes blocages. - Permettre le passage en secteur 2 tous les 3 ans ; celui-ci est fermé depuis 1990. - Prendre en charge les 2/3 des cotisations sociales des médecins de secteur 1; Cette prise en charge a été amputée de 14% depuis 1998 sous le RCM ( Règlement Conventionnel Minimal ) et constitue actuellement un moyen de pression vis à vis des médecins signataires. Et pour finir, la CNAM devait participer au paiement de l'ASV ( assurance vieillesse ) pour les médecins du secteur 1, ce système étant actuellement en faillite rend ce pseudo -avantage conventionnel caduque. Les caisses se sont opposées ces dernières années à la réévaluation des cotisations de l'A.S.V rendues nécessaires par l 'évolution démographique du corps médical au motif que le budget de l'assurance maladie ne le permettait pas. Les tarifs des honoraires médicaux ont jusqu'en 1995, subi régulièrement des augmentations indexées sur le coût de la vie, la situation des secteurs 1 était satisfaisante et l'exercice en secteur 1 n'était pas trop pénalisant. Depuis la fermeture de l'accès au secteur 2, la situation des secteurs 1 s'est progressivement détériorée jusqu'à devenir intenable. Depuis huit ans, les tarifs de consultation des psychiatres secteur 1 sont bloqués à 34.30 euros. Ils n'avait rien été prévu pour la psychiatrie le 10/1/03 en début de séance de négociation!!... malgré le fait que quelques jours auparavant le ministre Mr MATTEI ait souligné l'urgence concernant cette spécialité . Un tel blocage des honoraires sur une période aussi longue ne s'est à ma connaissance jamais vu dans l'histoire conventionnelle ni dans aucun autre secteur de l'économie. Les différents blocages au niveau des honoraires associés aux revalorisations ,d'avant1995, inférieures au taux d'inflation, font constater, qu'en francs constants, la baisse de la valeur des actes en vingt ans est spectaculaire. Dans le même temps, les médecins spécialistes libéraux ont dû faire face à une croissance considérable du coût de leurs actes : - Majoration des charges sociales personnelles, récemment du fait de la revalorisation de la consultation du généraliste, anciennement du fait du règlement conventionnel minimal ( il a beau avoir été suspendu, aucun rattrapage n'a été effectué sur les semestres précédents, alors que la prise en charge d'une partie de nos cotisations sociales par les caisses d'assurance maladie était la contrepartie contractuelle des honoraires opposable par les médecins en secteur 1 ) - L'apparition du RCM depuis 5 ans a entraîné la disparition de la F.M .C. ( formation médicale continue) conventionnelle, sans pour autant supprimer l'obligation pour les médecins de continuer à cotiser au fond de F.M.C.. Il en résulte, pour les médecins secteur 1 une diminution de leur capacité à se payer leur formation continue, ce qui est en contradiction avec les obligations du code de déontologie. - Majoration des charges salariales liées au passage aux 35 heures, pour les quelques cabinets qui peuvent encore rémunérer un secrétariat - Majoration voire explosion des primes d'assurance professionnelles du fait de la «judiciarisation » de la société en général et de la médecine en particulier. Il faut bien se rendre compte que nous sommes des otages pour les compagnies d'assurance qui peuvent fixer leurs tarif s à leurs convenances et même résilier les contrats y compris dans des cas où il n'existe aucun sinistre. - Majoration des investissements techniques liés à de nouvelles contraintes administratives (informatisation, télétransmission.) - Il faut préciser que les sanctions dues au R.C.M. ne touchent encore une fois que les secteurs 1 vu que cela n'apporte aucune modification à la situation des secteurs 2. Or en secteur 1 et contrairement à nos confrères en secteur 2, nous n'avons pas la possibilité de reporter ces surcoûts sur le montant de nos honoraires. Depuis 13 ans, seuls les médecins spécialistes en secteur 1 sont sanctionnés ; sont-ils désormais indésirables dans le Système de Santé ? B/PLAN DEONTOLOGIQUE Rappelons que notre exercice professionnel est régi par le Code de Déontologie dont les articles 33 et 71 et que l'absence d'indexation des rémunérations des actes sur leur coût de production nous entraîne des difficultés avec les articles suivants, ainsi qu'avec l'obligation de formation médicale continue. Article 33 : « Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés. » Article 71 : « Le médecin doit disposer, au lieu de son exercice professionnel, d'une installation convenable, de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel et de "moyens techniques suffisants en rapport avec la nature des actes qu'il pratique ou de la population qu'il prend en charge"........."Il ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins et des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées. » Il est donc clair, en ce qui concerne la psychiatrie, que blocage des honoraires ad eternam signifie survie économique par seule variable d'ajustement: le temps. Or la qualité des soins et la multiplication des actes/réduction du temps de consultation ne peuvent, ici encore moins qu'ailleurs, être associées...Mettre cet impératif éthique et légal en rapport harmonieux et efficace avec ce qui apparaît bel et bien comme un dispositif "d'étranglement" économique progressif est une affaire insoluble C/PLAN SOCIO-PROFESSIONNEL 1) Pris en "tenaille" entre deux entités dont le poids ne peut être sous-estimé par la technostructure, à savoir: > l'hôpital public > les médecins généralistes, médecins de premier recours incontournables et dont la lutte a contraint les décideurs à regarder la réalité en face, :les médecins spécialistes libéraux ne peuvent guère compter que sur eux-mêmes mais ne peuvent envisager sans réagir d'être la seule "variable d'ajustement" d'un système à bout de souffle, en outre en butte à la surdi-mutité d'interlocuteurs nationaux Les médecins voient midi à leur porte dira-t-on ?? Pourtant, on peut lire ceci dans une note de synthèse du "panorama de l'assurance santé" ("L'ASSURANCE MALADIE A L'HEURE DES BOULEVERSEMENTS"), peu suspect d'affinité pour le gaspillage ou la philanthropie: <<..La seule variable d'ajustement étant constituée par les revenus des professionnels, ce sont eux qui trinquent, parfois jusqu'à l'absurde. Le refus de la CNAM d'arrondir le prix de la consultation au moment du passage à l'euro, qui est le vrai facteur déclenchant de la révolte des généralistes, est le meilleur exemple de cette politique de l'oncle Picsou...........De quoi parle-t-on en effet ? De travailleurs du savoir, bac+8,( nb: bac+11 pour les psys) qui sont payés soixante euros(nb: 68.60 pour les psys) de l'heure facturable, si l'on admet qu'une consultation dure environ vingt minutes(nb: trente pour les psys).L'objectivité oblige à reconnaître qu'il s'agit de conditions misérables par rapport à celles de beaucoup de travailleurs comparables. Les consultants et autres programmeurs informatiques ne les accepteraient pour rien au monde !.........Les conséquences de ce traitement indigne sont connues : inflation continue du nombre de consultations, prescriptions de complaisance,....... La prolétarisation des travailleurs du savoir est ici comme ailleurs contre-productive...>> 2)Il apparaît qu'il est nécessaire de réaliser, chez les praticiens comme chez leurs interlocuteurs, qu'à travers l'élargissement de l'utilisation du DE, c'est une question de survie et de dignité professionnelle, de révolte aussi, face à l'inéquitable et l'irréaliste. Au delà de nos personnes, la survie et la dignité professionnelle de leur médecin, ce sont nos patients qui l'attendent de nous, car c'est également de leur vie et de leur dignité dont il est question. De fait , bien que malades, ils sont eux de plain-pied dans le réel, et loin des délires gestionnaires chez certains tenants du dogme persistant de "la réduction des dépenses de santé par la réduction de l'offre"...Ce qu'il constatent de plus en plus, au delà des disparités loco-régionales, ce n'est pas la pléthore mais la pénurie... Voilà, Mr le Directeur, les commentaires que je souhaitais apporter, en m'excusant par avance de la longueur de ce courrier, celle-ci étant le corollaire de l'importance du sujet et d'un désir de synthèse autant qu'il est possible Vous remerciant de votre attention, Je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur, l'expression de mes sentiments cordiaux |
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Docteur Alain Bonnet
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