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 DÉSIR
            ET PLAISIROUMIEUX VAUT UNE TÊTE BIEN FAITE…       
               Je vais d’abord préciser quelque peu l’origine du désir, puis
            nous verrons quelques exemples cliniques qui nous montreront l’importance
            de désir, du plaisir et de la prise en compte du sujet  Le désir se
            distingue du besoin : besoin de nourriture, de téter au départ
            pour l’enfant. La mère va interpréter les cris de l’enfant comme une
            demande, c’est à dire un appel signifiant à la satisfaction. Si la
            mère répond, c’est qu’elle suppose que, au-delà du cri, il y a la
            demande de son enfant. En supposant cette demande elle implique l’enfant
            dans le champ du langage et de la parole.
  Lorsque la mère ne répond pas de suite, dans l’immédiateté,
            il y a frustration pour l’enfant : la mère laisse place au manque
            dans la satisfaction de la demande. Le désir advient alors au-delà
            de la demande comme manque d’un objet. L’enfant se constitue alors
            comme Sujet désirant. L’enfant accède au désir en isolant la cause
            de sa satisfaction qui est l’objet cause de désir : le mamelon
            de sa mère, et il ne le fait que s’il est frustré. Ensuite l’enfant
            va se représenter sur un mode imaginaire cet objet supposé perdu.
  Nous allons voir quelques exemples qui illustrent la
            prise en compte unique de la physiologie dans les troubles sexuels,
            puis nous en tirerons quelques réflexions sur le désir et le plaisir.
  Monsieur B est allé consulter, seul, dans un important
            centre hospitalier. Un bilan fut aussitôt entrepris. Les érectographies
            nocturnes étant douteuses, on décida d’approfondir le bilan par une
            cavernographie et une débimètrie, ce qui permit de mettre en évidence
            une fuite veineuse. L’indication d’une cure chirurgicale par plicature
            veineuse fut posée. Mais cela ne donna pas de résultats satisfaisants,
            aussi Monsieur B subit-il une deuxième intervention par pontage artériel
            afin d’augmenter l’apport sanguin. Ensuite les mesures de débits furent
            satisfaisantes. Malheureusement lui-même et son amie, n’étant pas
            sensibles aux courbes de débits, ne se trouvèrent pas satisfaits :
            si, du fait de l’apport sanguin important, la verge lui paraissait
            plus importante qu’avant au repos, la réalisation de l’érection était
            encore bien chancelante avec en plus une éjaculation qui survenait
            trop prématurément. On lui proposa alors de rencontrer quelqu’un de
            l’ordre des «psy ». Monsieur B se présente comme un anxieux,
            hypomaniaque, ayant toujours peur de ne pas 
            arriver dans tout ce qu’il entreprend, et se précipitant dans
            une activité avec empressement afin de ne pas prolonger l’angoisse
            de ne pas y arriver ou en s’enfuyant de cette activité. Il ne peut
            exprimer ce qu’il ressent, sa tendresse, et agit pour lui-même, pas
            pour l ‘autre. Son amie vit dans le souvenir de son ancien mari
            parti, partenaire idéalisé, elle vit en montrant l'attente de son
            retour : la brosse à dent 
            de l’ex-mari est toujours dans la salle de bain, monsieur B
            n’a pas le droit d’y toucher, encore moins de l’enlever alors que
            pour lui elle tient toute la place ! Pour elle, l’amour est idéalisé,
            elle l’a connu avec son mari, en dehors de lui cela ne peut exister
            et cela lui est réservé. Avec son ami, monsieur B, elle parle plutôt
            de tendresse, d’attentions qu’elle attend et qu’elle ne peut recevoir
            du fait de sa précipitation en tout. Ce premier exemple montre que
            s’il existait une pathologie vasculaire, une autre dimension était
            délaissée et prise en compte en dernier alors qu’elle était primordiale
            si on voulait espérer une résolution du symptôme sexuel et une satisfaction
            des partenaires. Nous voyons par eux que ce symptôme sexuel renvoie
            à une pathologie individuelle affective, psychique, et à une pathologie
            du couple qui complète la pathologie individuelle et qui est nourrie
            par elle.
  Le deuxième exemple est celui de Monsieur C. Monsieur
            C est éjaculateur précoce. Il est sorti très tôt avec sa femme et
            n’a jamais eu d ‘autres expériences sexuelles. Cette éjaculation
            prématurée s’aggrave et devient «ante portas ». Il a déjà consulté
            de nombreux médecins et fut souvent éconduit à travers des paroles
            pseudo rassurantes : « ça s’arrangera avec l’âge »
            et subit même une opération pour un pseudo phimosis. Dernièrement
            on lui a donné un traitement par des alpha bloquants qui ralentissent
            la phase sécrétoire de l’éjaculation. Mais sans résultats. On note
            chez monsieur C une anxiété très ancienne qui se traduit par une certaine
            précipitation en tout ce qu’il entreprend. Évidemment cette anxiété
            se traduit à chaque rapport sexuel par une peur de l’échec qui précipite
            les choses, et, pour ne pas ressentir l’insatisfaction qui en découle,
            il préfère éviter toute relation avec sa femme, même au niveau des
            gestes tendres. Celle-ci se présente comme une personne elle aussi
            insécurisée, septique en tout, et principalement sur l’évolution de
            cette éjaculation précoce, sur la rapidité de son mari. Elle pense
            le quitter, à lui de faire la preuve. Cette épée de Damoclès est loin
            d’être rassurante pour le mari et cela peut se traduire par des épisodes
            d’impuissance. L’enfance de Monsieur C a été marquée par une mésentente
            des parents. Jusqu’à l’âge de 14 ans il a dormi dans la chambre des
            parents. Au début il disait n’avoir aucun souvenir conscient de ces
            nuits, puis parla de ces nuits difficiles où il se sentait mal à l’aise,
            dormait mal, enfin il put décrire les relations nocturnes de ses parents,
            relations continuant l’agressivité de la journée, relations vécues
            dans la rapidité  la mère
            demandant au père de faire cesser rapidement ce jeu et chacun s’y
            employant. Nous voyons à travers cet exemple que le symptôme sexuel
            est au départ le signe de difficultés personnelles en rapport avec
            l’enfance et que par la suite il signifiait aussi la peur de l’échec
            ainsi que des difficultés relationnelles et affectives du couple.
            On conçoit  bien que les
            alpha bloquants ne pouvaient à eux seuls débloquer la situation car
            ils ne pouvaient par eux-mêmes permettre la perlaboration d’une parole
            non dite, donner sens au symptôme.
  Enfin je voudrais citer l’exemple de Madame M qui se
            plaint d’anorgasmie et d’anaphrodisie. Elle veut faire quelque chose
            pour cela car son mari l’a trompée, elle a peur qu’il parte, il a
            parlé de divorce alors qu’ils ont construit dit-elle. En fait, on
            retrouve d’autres symptômes sexuels au début de leur vie commune,
            ce qui correspond pour elle aux premières relations : à l’époque
            elle présentait un vaginisme qui fut traité malheureusement de façon
            purement comportementale par des dilatations vaginales à l’aide de
            bougies. Je dis malheureusement car c’est un traitement appliqué fréquemment
            et  quelques années plus
            tard on revoit ces femmes parce que, comme dans le cas de madame M,
            elles présentent alors une anorgasmie, une anaphrodisie ou elles ont
            des épisodes répétitifs de symptomatologie dépressive. Madame M se
            présente comme une personne inhibée, introvertie, complexée physiquement.
            Elle dit qu’elle n’a jamais tenu en estime les hommes et qu’un homme
            ne peut rien lui apporter. Elle est enfant unique ; unique accident
            car son père ne voulait pas d’enfant. Il ne s’est jamais occupé d’elle
            et sa mère. Préfèrant son travail à son enfant, l’a laissée chez sa
            grand-mère jusqu’à l’âge de 12 ans. Le grand-père était alors en hôpital
            psychiatrique car il était délirant. Nous comprenons facilement quelle
            image madame M peut avoir des hommes, hommes inexistants dans les
            premières années de sa vie, et du peu qu’elle en attend. Un substitut
            phallique comme des bougies est certes insuffisant pour modifier la
            représentation qu’elle a des hommes et son attente vis à vis d’eux.
  Ces quelques exemples montrent que le symptôme sexuel
            renvoie à autre chose qu’une fonction purement physiologique. Les résultats
            des analyses et des explorations fonctionnelles peuvent être bons
            et même plus que bons, et la réalisation sexuelle du patient négative.
            Cela nous montre bien que dans un trouble sexuel, si la physiologie
            peut intervenir, il existe aussi autre chose qui est mise en jeu. Ceci
            peut être indépendant de l’atteinte organique ; c’est-à-dire que
            nous nous trouvons en face de 2 
            pathologies juxtaposées : pathologie somatique et pathologie
            psychologique. Traiter l’une sans s’occuper de l’autre mène à une
            impasse. Mais il peut y avoir relation avec l’atteinte organique.
            En effet un trouble sexuel d’origine somatique ne laisse pas indifférent
            la personne qui en est atteinte ainsi que son ou sa partenaire. C’est
            une blessure narcissique avec sentiment de dévalorisation et parfois
            symptomatologie dépressive. Cela peut s’entendre dans : " je
            ne suis plus un homme ", "je ne suis plus une femme ",
            "je ne suis plus bon à rien ", "que reste-t-il
            s’il n’y a même plus cela ? ". Alors, outre la correction
            organique, nous devons aussi restaurer l’image de soi de la personne
            sinon la symptomatologie dépressive demeurera, avec la perte de l’intérêt
            sexuel, parfois des conduites d’échec ou bien l’anxiété inhibera la
            relation sexuelle.
             C’est
            pourquoi je vais essayer de parler un peu du plaisir, ce qui renvoie
            au désir, à la satisfaction, à la pulsion.   
              Le plaisir apparaît très tôt comme une demande de la
            mère : « pour faire plaisir à maman ». Mais en fait,
            derrière cette demande de plaisir, il y a caché une demande toute
            autre : une demande de différer le plaisir que l’on peut entendre
            dans «ne fait pas cela » ou fait ceci pour ne pas faire cela ».
            Différer ce plaisir pour ? Pour un avenir douillet. L’enfant
            est alors confronté au désir de la mère et non plus seulement à son
            propre désir. Il peut y avoir confusion (la demande de la mère est
            prise au sérieux) et nous tombons dans la plus habituelle des structurations :
            la névrose. Le névrosé est celui qui prend la demande de l’autre pour
            son désir à lui, alors que le sujet normal désir en son nom. Le sujet
            normal ne veut pas quelque chose parce qu’il déclare que cette chose
            est désirable : nous serions alors au niveau de la perversion
            (le pervers fait disparaître la subjectivité du je). Il ne veut pas
            non plus quelque chose pour maman ou parfois pour papa comme le névrosé.
            Le sujet normal veut. Il veut quelque chose, pour lui. Il le sait.
            Mais il ne sait pas quoi. Il a un désir disponible. Si l’objet est
            cause du désir par le manque, l’objet ne détermine pas un désir, il
            lui est antérieur. Un désir peut se fixer à n’importe quoi, à n’importe
            qui, parfois même à un objet désirable parce que, sachant qu’on est
            désirant, on s’est aperçu que certains objets sont plus à même que
            d’autres de satisfaire ce désir.
  Ce n’est qu’après avoir accédé à l’objet d’un désir
            qu’on repère une déception ou une satisfaction. La satisfaction montre
            que ce désir était un désir en son nom, un désir du sujet désirant.
            La déception, elle, met en évidence qu’on a perdu un désir que l’on
            croyait avoir : en effet ce n’était pas un désir mais la demande
            d’autrui, ce qui, bien sûr, ne peut pas apporter au sujet un sentiment
            de satisfaction.
  Pour Freud l’organisme est dans un état de tension
            qui est source de pulsion. Le plaisir est la satisfaction de la pulsion,
            c’est à dire la réalisation 
            du but de la pulsion qui est de supprimer cet état de tension.
            Un désir sexuel est un état de tension qui va chercher à se résoudre
            avec l’orgasme qui procure une résolution de la tension. Tout organisme
            vivant est dans un état de tension. La résolution totale de cet état
            ne se fera que dans la mort, «au-delà du principe de plaisir ».
            Le plaisir immédiat est différé pour un «plus 
            de jouir ». L’état de tension est soutenu par le principe
            de réalité dans l’espoir que ce retard permettra plus de plaisir.
            C’est ainsi que nous retrouvons le rôle de la mère interdictrice du
            plaisir immédiat dans «pour faire plaisir à maman » afin d’accéder
            à un surcroît de plaisir. Sexualité et mort sont liées. Cela explique
            pourquoi la médecine se méfie de la recherche du plaisir car c’est
            une voie qui peut conduire à la mort, alors que la médecine a pour
            ambition de prolonger cette voie et d’éviter que l’organisme trouve
            une voie courte, rapide, pour résoudre cette tension, surtout quand
            elle est intense comme dans les maladies aiguës.
  Cette méfiance de la médecine vis à vis du plaisir
            s’illustre bien a ses prescriptions ; la nourriture médicalisée
            n’est jamais agréable de peur qu’on en abuse et qu’on 
            en crève comme dans «la Grande Bouffe » de Marco Ferreri,
            cette méfiance s’illustre aussi dans l’attitude vis à vis des toxicomanes
            qui recherchent du plaisir, des personnes qui ont attrapé des «maladies
            honteuses ». Ce soupçon de la médecine envers la recherche du
            plaisir se retrouve aussi dans les curetages effectués plus ou moins
            agressivement comme si on voulait donner une bonne leçon afin qu’elle
            ne recommence pas à rechercher du plaisir. D’ailleurs lorsqu’il y
            a viol, suivant qu’on suppose qu’il y a eu participation ou non de
            la victime au plaisir, l’attitude sera différente. Cette méfiance
            vis à vis du plaisir dans le champ médical se retrouve dans les médias.
            Qu’on pense au ton réjoui et dogmatique pour annoncer que x personnes
            sont mortes alors qu’elles avaient pris du Viagra dans les jours ou
            semaines précédentes. En revanche on n’annonce pas combien de personnes
            sont mortes alors qu’elles avaient, dans les jours précédents, mangé
            des petits pois ou s’étaient mises les doigts dans le nez. Enfin cette
            méfiance de la médecine vis à vis du plaisir se retrouve dans nos
            exemples qui montrent que la technique médicale pure est incapable
            de prendre en compte le plaisir qui se place au-delà de la physiologie.
  Nous avons donc vu que le plaisir était la satisfaction
            d’une pulsion et que par là il y avait un lien entre la mort et la
            sexualité. Cela se traduit dans le langage lorsqu’on dénomme l’orgasme
            par «la petite mort ». Une personne qui a un désir, a un désir
            d’objet pouvant satisfaire la pulsion. Mais dans un certain sens nous
            pouvons dire qu’un désir est un ersatz du désir, le désir né d’un
            manque fondamental, d’un objet irrémédiablement perdu, objet premier
            et ultime du désir. Tout autre objet n’est qu’un objet substitutif,
            qu’il soit sein, pénis, vagin… Un désir n’est que l’avatar du désir
            et dans tout symptôme sexuel, qui n’est que la non réalisation d’un
            désir, il faut y voir deux versants : le signal qui est une référence
            somatique, il renvoie à quelque chose, et le signifiant qui renvoie
            alors au sujet lui même.
  Toute sexothérapie, puisque c’est le terme…étrange…Nous
            connaissons l’ergothérapie : le traitement par le travail, la
            musicothérapie : le traitement par la musique… La sexothérapie :
            le traitement par le sexe ?… Cela rejoindrait la méprise :
            ayez des orgasmes pour ne pas être névrosés, alors que c’est parce
            qu’il y a névrose qu’il n’y a pas d’orgasme. Toute thérapie de symptôme
            sexuel ne peut ignorer le sujet, ne peut faire l’économie du désir.
            Les personnes viennent pour être satisfaites : elles n’ont que
            faire des beaux résultats des examens. On pourra donner toutes les
            hormones, augmenter les débits, prescrire les médicaments qu’on veut,
            cela ne permettra pas à la personne aliénée à la demande de l’autre
            de devenir sujet de son désir et donc d’accéder à la satisfaction.
            Tout traitement d’un symptôme sexuel passe donc pour la personne par
            un travail sur elle-même quelle que soit l’origine de ce symptôme.
    Cela m’amène
            à conclure en complétant le sous titre 
            de cet article 
            « mieux
            vaut une tête bien faite qu’un zizi bien plein »  
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