|  | Science
                            des mœurs, considérée sous le point de vue de l’obligation
                            morale. Elle se distingue en deux parties, l’une générale,
                            l’autre spéciale.     La
                            première qui n’est qu’une introduction à la seconde,
                            mais qui est réellement la plus importante des deux,
                            EXAMINE LES GRANDES QUESTIONS DU DEVOIR en général,
                            et par conséquent celles de l’OBLIGATION, celles DU
                            BIEN ET DU MAL MORAL DES MOTIFS DE NOS ACTIONS, de
                            la LOI SUPRÊME QUI LES DOMINE, du SOUVERAIN BIEN qu’elle
                            a pour but de réaliser, de la CONSCIENCE dans ses
                            RAPPORTS AVEC LA RAISON qui est son principal interprète
                            et enfin la question de la VERTU qui est dans la vie
                            de l’homme l’expression la plus pure de la morale. La
                            seconde partie de cette science, la partie spéciale
                            n’est que l’application des principes généraux que
                            pose la première : c’est
                            la THÉORIE
                            DES DEVOIRS ;    On
                            la divise communément en trois sections  :
                             -   
                            la première embrasse nos devoirs envers nous-même,
 -   
                            la seconde nos devoirs envers les autres hommes
 -   
                            la troisième, nos devoirs envers Dieu.
   - On voit que la première de ces sections touche
                            essentiellement à la philosophie ;
 - La seconde à la politique
 - La troisième à la religion.
 On
                            voit aussi que toute la partie générale de cette science,
                            toute la doctrine du devoir tient à la philosophie.
                                On
                            a longtemps confondu la morale, tantôt avec la philosophie,
                            tantôt avec la religion, tantôt avec la politique,
                            mais malgré ses rapports intimes avec ces trois grandes
                            sciences, elle forme une étude à part ; elle
                            a ses principes propres ; elle repose non seulement
                            sur toutes les grandes facultés de l’âme, l’intelligence,
                            la sensibilité et la liberté mais, au nom de cette
                            dernière, elle fonde toute notre destinée. Elle a
                            la mission de régler toute la vie de l’homme. La morale
                            est si bien une science indépendante qu’à son tour
                            elle juge la religion, la philosophie et la politique
                            et qu’elle les contrôle, comme elle est jugée et contrôlée
                            par elles. Ce n’est pas seulement en vertu des facultés
                            les plus fondamentales de l’homme, l’intelligence
                            et la liberté, qu’elle se constitue 
                            c’est aussi en vertu de la loi suprême du monde
                            moral, loi que l’auteur de ce monde a donné à notre
                            conscience c’est-à-dire à notre raison appliquée à
                            la question du bien et du mal, (morale chrétienne).
                              L’indépendance
                            et la suprématie de la morale sont donc également
                            légitimes. Mais il est rare que la morale, la religion,
                            la philosophie et la politique soient réellement indépendantes
                            les unes des autres. Il est rare que la politique
                            soit immorale, que la philosophie soit antireligieuse,
                            que la religion soit ennemie de la philosophie, que
                            la morale soit l’adversaire de la religion, de la
                            politique ou de la philosophie. On a vu néanmoins
                            des religions immorales, des systèmes de politique
                            et de philosophie immoraux.    Si
                            dans les temps ordinaires, dans ceux d’un développement
                            régulier et pacifiquement progressif, il y a harmonie
                            entre ces doctrines, il y a désaccord aux époques
                            de crises, de révolutions et de réformes, en un mot
                            dans l’état de civilisation agitée.  
                               Au
                            début des sociétés, la religion domine à tel point
                            la morale, la politique et les premiers essais de
                            spéculation, qu’il n’y a dans ces dernières doctrines
                            ni élément de résistance, ni tendance d’opposition
                            contre la première. A ces époques, la morale n’a pas
                            de principes à elle, pas d’interprètes, pas d’autorité
                            propre. Mais aussitôt que se développent les institutions
                            politiques et que la philosophie commence à poser
                            ses doctrines, la morale acquiert plus d’importance ;
                            elle trouve alors sa place dans les enseignements
                            que donnent la religion, la politique et la philosophie ;
                            mais elle ne parvient à se faire reconnaître dans
                            toute son autorité qu’au sein d’une civilisation complète.
                            Enfin, elle forme une des sciences les plus importantes
                            et son appui 
                            est également recherché de l’État et de l’Église :
                            elle a non seulement son principe souverain, ses maximes
                            absolues ; elle a ses interprètes spéciaux et
                            une immense influence sur les destinées publiques
                            des nations. Depuis trois siècles, puis la Renaissance,
                            elle marche parmi nous à ces conquêtes ; elle
                            les fait lentement, elle ne les a encore achevées
                            nulle part.      La
                            seule Écosse a su lui donner des chaires spéciales
                            dès le commencement du dernier siècle ; ailleurs,
                            la morale est enseignée sous la tutelle de la métaphysique
                            ou de la théologie ou bien elle est 
                            à peine enseignée ; elle ne l’est qu’à
                            la jeunesse. C’est là une des lacunes les plus profondes
                            de l’enseignement moderne.     La
                            morale doit être exposée sous toutes les formes, sous
                            la forme populaire comme sous la forme systématique
                            et toujours avec un soin proportionné à son importance.
                            Elle doit toujours s’appliquer à l’état social du
                            pays, à la politique, mais en la dominant. Ainsi l’enseignaient
                            Socrate, Platon, Aristote, Cicéron. La morale enseignée
                            comme elle doit l’être est à la fois le plus puissant
                            auxiliaire de la religion et de la politique et le
                            plus glorieux triomphe de la philosophie. 
                             
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